Poésie

Poèmes revus en 2022

Ils forment le textuel du livre d’art réalisé à l’hiver 20223


 Ces poèmes sont empreints de l’émotion liée à celle d’Hélène Mercier, mon ex-compagne. Le premier a été écrit dans les années 1980; le second, le retouchant, en 2022. L’évocation poétique et sa refonte tiennent au fil d’un temps au cours duquel Hélène se précipitait pour aller au chevet de son père alors qu’il se trouvait en phase de fin de vie. Les images de la forêt puisent à la profession de son père qui fut ingénieur forestier, et celle du fleuve, à l’artère emblématique de vie qui nourrit le Québec.

UN ENFANT

QUI A LA PEAU FINE

Cours vite ! mon amour.

Ton père respire.

Il se casse le cou.

On dirait un grand veau malade

Qui a le cœur malade.

Ses yeux font

Comme les tiens

Quand tu n’es plus sûre

De vivre.

C’est deux barques pleines

Qui versent.

Au fond de ses mains,

Quand il ouvre les yeux,

Il n’y a déjà plus rien.

C’est toute une vie

Qui a la peau fine.

Cours vite ! mon amour.

Ton père respire.

C’est un cœur malade

Qui dévore tout autour de lui.

On dirait que ses grandes mains fines

Rentrent toutes chaudes

Dans les muscles de la terre.

N’est-ce pas lui

Qui distribuait pour toi

Le pain et le lait

Suivant le fil de

La voie lactée?

Ne donna-t-il pas à tous

Des noms aux arbres?

Les hirondelles et fous

De goélands

Partent aussi

Lorsque le ciel

Devient trop étroit.

Cours vite ! mon amour.

Va toucher le fond

De ta peine.

Le fleuve et le sel

Font tourner des étoiles

Qui ont un pied dans l’eau.

Cours vite ! ma bien-aimée

La vie est un enfant

Qui a la peau fine.

Ton père soupire.

Il se dessèche sur les vagues

Du fleuve.

Il pompe le sang.

On dirait le fleuve

Et ses grandes valses marines

Déchaînées par l’imagination

De son débordement de vie.

On dirait le fleuve

Voulant mettre

Une robe chaude

Au milieu de tes yeux

Et des miens.

C’est comme un grand nid

De la mer

Qui flotte muet

Dans ton cœur.

Ce sont les racines

D’un grand pin blanc.

Sa fille qui est toute

Retournée entre mes mains.

Cours vite ! mon amour

La vie est un enfant

Qui a la peau fine.

Aujourd’hui, le matin

N’a pas de fin.

On dirait un peuplier

Qui s’en va entre

Les vagues infinies 

Des espèces de vie

Qui n’ont pas de fin.

Cours vite ! mon amour

Ton père et le fleuve si froids

Nous tendent

Les bras sans fin.

C’est l’immensité, la tienne,

La mienne

Depuis que la terre

S’est formée

D’oxyde de fer et de ciment.

Elle fait lever la pointe

De la nuit.

Cours vite ! mon amour

La vie est un enfant

Qui a la peau fine.

Va glisser dans ta peine !

Dans la sienne, mon amour.

Conte-moi ta peine !

Pleure le plus gros

Sur mon épaule !

Retiens à jamais ma main !

La vie est comme toi

Qui a la peau fine.

LA VIE EST

UN ENFANT

QUI A LA PEAU FINE

Cours vite ! mon amour.

Ton père respire.

Il se casse le cou.

On dirait un grand veau malade

Qui a le cœur malade.

Ses yeux font

Comme les tiens

Quand tu n’es plus sûre

De vivre.

C’est deux barques pleines

Qui versent.

Au fond de ses mains,

Quand il ouvre les yeux,

Il n’y a déjà plus rien.

C’est toute une vie

Qui a la peau fine.

Cours vite ! mon amour.

Ton père respire.

C’est un cœur malade

Qui dévore tout autour de lui

On dirait que ses grandes mains fines

Rentrent toutes chaudes

Dans les muscles de la terre.

N’est-ce pas lui

Qui distribuait pour toi

Le pain et le lait

Suivant le fil de

La voie lactée?

Ne donna-t-il pas à tous

Des noms aux arbres?

Les hirondelles et fous

De goélands

Partent aussi

Lorsque le ciel

Devient trop étroit.

Cours vite ! mon amour.

Va toucher le fond

De ta peine.

Le fleuve et le sel

Font tourner des étoiles

Qui ont un pied dans l’eau.

Cours vite ! ma bien-aimée

La vie est un enfant

Qui a la peau fine.

Ton père soupire.

Il se dessèche sur les vagues

Du fleuve.

Il pompe le sang.

On dirait le fleuve

Et ses grandes valses marines

Déchaînées par l’imagination

De son débordement de vie.

On dirait le fleuve

Voulant mettre

Une robe chaude

Au milieu de tes yeux

Et des miens.

C’est comme un grand nid

De la mer

Qui flotte muet

Dans ton cœur.

Ce sont les racines

D’un grand pin blanc.

Sa fille qui est toute

Retournée entre mes mains.

Cours vite ! mon amour

La vie est un enfant

Qui a la peau fine.

Aujourd’hui, le matin

N’a pas de fin.

On dirait un peuplier

Qui s’en va entre

Les vagues infinies 

Des espèces de vie

Qui n’ont pas de fin.

Cours vite ! mon amour

Ton père et le fleuve si froids

Nous tendent

Les bras sans fin.

C’est l’immensité, la tienne,

La mienne

Depuis que la terre

S’est formée

D’oxyde de fer et de ciment.

Elle fait lever la pointe

De la nuit.

Cours vite ! mon amour

La vie est un enfant

Qui a la peau fine.

Va glisser dans ta peine !

Dans la sienne, mon amour.

Conte-moi ta peine !

Pleure le plus gros

Sur mon épaule !

Retiens à jamais ma main !

La vie est comme toi

Qui a la peau fine.