Poème dédié Hélène Mercier, mon ex compagne. Il évoque un temps au cours duquel Hélène se précipitait pour aller au chevet de son père alors qu’il se trouvait en phase de fin de vie. Les images de la forêt puisent à la profession de son père qui fut ingénieur forestier, et celle du fleuve, à l’artère emblématique de vie qui nourrit le Québec.
Cours vite, mon amour!
Ton père respire.
Il se casse le cou
On dirait un grand veau
Qui a le cœur malade.
Ses yeux sont comme les tiens.
Il vit par dérives en sa guerre civile.
C’est autant que le ciel
Qui s’assombrit sans rebondi
Quand tu n’es plus sûre de vivre.
On dirait un grand veau
Dans ses souliers usés.
Ton père se décroche des étoiles.
C’est un grand veau rétréci
Sans les étriers d’un air nouveau.
Cours vite mon amour!
Ton père respire.
Ton vieux a le cœur malade.
Ses yeux font comme les tiens.
Ce sont deux barques pleines
Qui versent au fond de ses mains.
Quand il ouvre les yeux
Il n’y a déjà plus rien.
C’est tout d’une vie
Qui a la peau fine.
C’est un temps oùUn cœur malade qui dévore
Tout autour de lui.
Tes yeux sont limon, lilas
Et limbes des siens.
Les tiens sont visage
Et rivage de tendresse.
Ses mains sont un fétu
Dans les tiennes.
Un temps de rosée et d’empreintes
Dans le grain de ta peau.
Cours vite mon amour!
Ton père respire.
Il se casse le cou.
La guêpe noire l’empeste
De malemort.
Ton père se brise le cœur
De toutes broderies.
On dirait que
Ses grandes mains fines
Rentrent toutes chaudes
Dans les muscles de la terre.
Les hirondelles aussi partent lorsque
Le ciel devient trop étroit.
Quand il ouvre les yeux
Il n’y a déjà plus rien.
Cours vite, mon amour!
C’est toute une vie
Qui comme toi a la peau fine.
Cours vite! Va toucher le fond
De sa peine!
Le sel fait tourner des étoiles qui ont
Les pieds dans l’eau.
Conjure ta peine et confie-la au plus
Pauvre qui touche tes côtes!
Dans le moutonnement de ton ventre
Le jour se lève.
C’est toute une vie
Qui a la peau fine.
Cours vite, mon amour!
Cours vite ma bien-aimée!
La vie est un enfant
Qui a la peau fine.
Ton père soupire
De plein gré aux derniers en’crocs
D’un entre-temps à jamais
Dans les nuées.
Ton père se dessèche
Sur les vagues du fleuve.
Il pompe le sang.
Le monde, ses domaines,
Son feu au ventre
Ne lui font plus illusions,
Ni duperies, ni colères.
Va toucher le fond de sa peine
Et de la tienne.
On dirait le fleuve qui voudrait
Mettre ta robe chaude.
Couvre le puits de sa peine
Va au fond de ta peine
Et de ta prière qui console
Les infortunés.
Les miennes, prises
En les tiennes, soufflent
Des vents chauds et des parfums.
Au milieu de ses yeux
C’est comme un grand nid de la mer
Qui flotte muet.
On dirait les racines
D’un grand pin blanc
C’est toute une vie qui a la peau fine.
Cours vite, mon amour!
Le temps est si court
Aux petits et aux humbles.
La vie est un enfant
Qui a la peau fine.
Aujourd’hui le matin n’a pas de fin.
On dirait un peuplier qui s’en va.
Il tend les bras.
Il fait lever la pointe de la nuit.
Cours vite!
Va glisser dans ta peine,
Dans la sienne,
Dans la mienne, mon amour!
La vie est comme toi
Qui a la peau fine.
La vie est comme toi
Qui a la peau douce.
Texte, bidules d’art & illustrations : Paul-Gabriel Dulac
Participation
Révision & correction : Laurie Belhumeur
Livre d’artiste avec certificat d’authenticité
Les Éditions des Lettres et des cordes d’art
5 exemplaires uniques, faits main par l’auteur
Sur papier Carson à texture fine 5.5 x 8.5 in (14 x 21,6 cm)
Au fusain, crayons de couleur & objets divers
Atelier Delphine Plattern
Boites à chasse & étiquettes personnalisées incluant
Le porteur du temps & sa maison
Livre sonore
Coaching interprétation : Pascale Montpetit
Photos & numérisation